Les combats sous la plume d’un soldat
« Maintenant, dans ces abris, les hommes échappent aux balles et mènent une guerre sanglante dans l’intention de diriger l’autre, de le dominer, de le soumettre. Tout le sens de la vie chez les chrétiens revenait alors à justifier et à garder leur foi dans le Christ et son enseignement au sein du monde païen, grâce aux hommes purs, et pour cette idée, ils s’offraient en sacrifice par milliers aux païens endurcis.
Maintenant, ce sont des millions de vies qu’on voue au sacrifice, à la vanité, à la férocité des Allemands, à leur désir de conquête jamais satisfait, à leur arrogance sans limites. Il en meurt des millions de gens, comme des mouches. Venant de tous les coins de la terre, on entend les gémissements des martyrs. Sur les ruines causées par cette lutte gigantesque, des millions de larmes des mères, des pères, des filles et des fils coulent en une mer impétueuse et agitée. Elle en a tant bu de sang qu’elle en est imprégnée et qu’elle en gémit la terre humide, notre mère, et le ciel lui-même pleure parfois des larmes de sang, alors que le cœur de l’homme reste sourd à tout cela. Mais le temps viendra où l’histoire saisira le sens de la marche du monde et chacun sera récompensé selon ses mérites. »
Extrait du journal de Stéphane Gavrilenko, ancien soldat de la 1ère brigade, fin juillet 1916.
La guerre sous la plume d’un soldat.
La Canonnade
Le front, près de Reims : au fond de la tranchée
Dort un soldat, seul, allongé sur une misérable couche,
Sourire aux lèvres, emmitouflé dans sa vieille capote.
Il rêve de sa lointaine patrie. Il voit sa petite maison
Et ses quatre fenêtres.
Une vieille dame l’habite, submergée de tristesse,
Elle attend le retour de son fils bien aimé.
Les sœurs consolent leur chère maman,
Lui chantent des chansons sur l’avenir heureux.
Il reviendra à la maison, ce sont les derniers mots du chant.
Elles attendent toutes Serjik, très impatientes.
Il lui semble entendre sonner la cloche du soir
Longtemps, longtemps dans la plaine.
Son rêve est délicieux, il sourit, heureux,
Il rêve de son bonheur passé.
La vieille dame s’est habillée pour la prière.
Elle s’agenouille devant l’icône étincelante,
Prie et fait le signe de croix.
Soudain retentit un énorme bruit, le soldat est inquiet,
C’est dans la casemate qu’il s’est réveillé, il sent la fumée.
Ce n’est pas le son de la cloche qu’il entend
Mais le grincement d’un obus au-dessus de sa tête.
Alentour ce n’est pas le doux son de la cloche
Mais l’explosion des obus qui grondent.
Ses pensées et son doux rêve s’étaient mélangés
Il oublie mais maintenant, prêt en un instant,
Il se hâte vers son devoir, va au combat.
Il court avec son camarade vers la première tranchée.
Mais l’Allemand plein d’une nouvelle énergie
Lâche ses obus pour faire une percée.
Les mitrailleuses crépitent, les balles mortelles
Vrombissent dans tous les sens comme des mouches
Et les mortiers Marfoukha grondent comme un tonnerre.
Poème de Sergeï Ivanov (extrait), ancien soldat de la 1ère brigade, 1916.
Les châtiments corporels sur le front français
« - Est-ce possible, Nikolaï Alexandrovitch, que vous admettiez encore qu’on fouette les soldats ?
Mais bien sûr, me répondit imperturbablement le général. Vous n’êtes tout simplement pas au courant de l’ordre du grand-duc Nicolas, qui a prescrit de remplacer en temps de guerre, pour les soldats, la salle de police et la prison par les châtiments corporels. »
Entretien entre l’attaché militaire russe et le colonel Lokhvitsky, témoignage du colonel Ignatiev (Cinquante ans dans le rang).