L’annonce de la Révolution, vue par un soldat du corps expéditionnaire :
« Je t’informe, mon cher frère Michaïl Apanas, que le soleil vient de se lever sur notre Russie et réjouit chaque soldat. De joie je ne sais que t’écrire. Mon cœur est en liesse. Nous l’avons cette liberté tant attendue. Nous sommes délivrés des bourreaux de Nicolas.(...) Maintenant nous sommes des citoyens libres. Quels événements ! (...) Ah ! Mes chers amis, la joie qu’éprouve tout sujet russe est inexprimable. Nous avons oublié que la guerre dure depuis trois ans déjà et qu’il y a des morts et des mutilés. Chacun se sent renaître comme dans un monde nouveau. Oh comme nous étions opprimés et las ! »
Service Historique de la Défense, archives du contrôle postal
L’ordre (ou prikaze) N°1 du soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd transformant les rapports entre les soldats et les officiers dans l’ensemble de l’armée russe (1er mars 1917, ancien style) :
« A la garnison de la région de Petrograd. A tous les soldats de la garde, de l’armée, de l’artillerie et de la flotte, aux fins d’exécution immédiate et rigoureuse, et aux ouvriers de Petrograd, à titre d’information.
Le Soviet de députés ouvriers et soldats décide :
- ) Dans toutes les compagnies, dans les bataillons, régiments, batteries, escadrons et administrations militaires de toute sorte, et à bord des bâtiments de la flotte de guerre, on choisira immédiatement, par voie d’élection, un comité de représentants parmi les simples soldats des unités militaires ci-dessus indiquées.
- ) Dans toutes les unités militaires qui n’ont pas encore choisi leurs représentants au Soviet de députés ouvriers, on élira un représentant par compagnie qui, porteur de certificats écrits, se présentera à la Douma d’État le 2 mars courant, à 10 heures du matin.
- ) Dans tous ses actes politiques, l’unité militaire obéit au Soviet de députés ouvriers et soldats, et à ses comités.
- ) Les ordres de la Commission militaire de la Douma d’État ne doivent être exécutés que dans les cas où ils ne seront pas en contradiction avec les ordres et les décisions du Soviet de députés ouvriers et soldats.
- ) Les armes de tout genre telles que : fusils, mitrailleuses, automobiles blindées, etc. doivent se trouver à la disposition et sous le contrôle des comités de compagnie et de bataillon, et ne seront en aucun cas délivrées aux officiers, même s’ils en faisaient sommation.
- ) Dans le rang et pendant le service, les soldats doivent observer la plus stricte discipline militaire ; mais en dehors du service et du rang, dans leur vie politique, civique et privée, les soldats ne sauraient être lésés dans les droits dont jouissent tous les citoyens. Notamment le garde-à-vous au passage d’un supérieur et le salut militaire obligatoire sont abolis, hors service.
- ) De même sont supprimées les formules décernées aux officiers : Votre Excellence, Votre Noblesse, etc. ; elles sont remplacées par : monsieur le général, monsieur le colonel, etc.
Les mauvais traitements de gradés de toute sorte à l’égard des soldats, et notamment le tutoiement, sont interdits ; toutes les infractions au présent ordre, ainsi que tous les malentendus dus entre officiers et soldats, ces derniers sont tenus de les porter à la connaissance des comités de compagnie.
Donner lecture de cet ordre dans toutes les compagnies, bataillons, régiments, équipages, batteries et autres services armés et auxiliaires. »
Lettre d’un soldat russe en France à propos de l’Ordre N°1 :
« Depuis ce jour (où fut annoncée la chute du tsar), nous ne cessons d’apprendre du nouveau. Egalité pour tous les généraux et les soldats, tous seront désormais des "messieurs". Plus de tutoiement. Ah ! Crois bien que cela ne va pas leur plaire, surtout à ces vieux officiers qui ont pu jusqu’à présent nous fouetter jusqu’au sang à coup de verges. »
Service Historique de la Défense, 7N 986, extrait de la correspondance extrait de la commission militaire de contrôle postale, mars-avril 1917.
Le gouvernement provisoire invite les soldats à obéir aux officiers de l’ancien régime
« La prospérité de la Russie, tout son avenir, tout son bonheur, dépendent de notre victoire sur l’ennemi. Or la victoire est impossible sans un gouvernement fort de l’obéissance volontaire de tout son peuple (...). Les officiers doivent non seulement s’occuper des soins à donner aux hommes sous leurs ordres, mais encore les respecter car, comme eux, ils sont Citoyens de la Grande Russie. Les soldats doivent, eux aussi, non seulement obéir aveuglément, sans murmure, aux officiers, mais encore apprécier leurs soins cordiaux, ce qui a toujours fait la force de notre armée. »
Service Historique de la Défense, 17N 649, extrait de l’ordre du 5 avril 1917.